Le personnage de Taranne, professeur d’université vaniteux, est soumis à une série de confrontations absurdes et inquiétantes, venant du monde extérieur. On l’accuse de se promener nu en public, d’avoir souillé une cabine de plage où il n’a jamais mis les pieds. On suggère qu’il a réservé une place sur un navire, ce dont il ne se souvient pas. Un recteur le traite de plagiaire dans ses cours universitaires. Peu à peu, une impression d’irréalité se dégage des dialogues absurdes, et l’on voit le professeur Taranne douter de lui-même, et se désagréger de l’intérieur. A la fois tragique par la situation, comique par les prétextes invoqués et irréel par l’impossibilité de cerner les faits, le texte se déroule comme dans une rêve, prenant à certains moments des allures de cauchemar. Adamov constate lui-même que le public fonctionne à deux niveaux de réactions très différents: d’une part, il adhère inconsciemment à un personnage central car chacun de nous a rêvé ou a eu peur de se retrouver nu et honteux au milieu d’une foule, ou doutant de lui-même face à des questions insidieuses; d’autre part, il se désolidarise consciemment du personnage dans sa réalité: nous ne sommes pas tous des professeurs d’université, vaniteux et plagiaires. Ces deux réactions, identification et désolidarisation, permettent l’émotion et rendent le rire possible.
Production : Centre d’Aide Technique et de Formation Théâtrale, Maison de la Culture du Havre, CATFT & CBA