Sept radios baptisées « libres » , par opposition aux radios « liées » à l’état, que nous avons visitées durant trois mois (décembre, janvier, février 1981). Sept radios qui sont sept mondes, mixtures de pratiques et de mythes organisées autour de la circulation de cet élément premier et paradoxal: le son, médium invisible, qui ne se donne pas à l’image et qui est pourtant le plus grand producteur, la source la plus féconde de mythes d’images. Faire des images et du son (faire un film) sur des radios libres peut être une certaine façon de faire des images sur des images, tenter de saisir avec des images et du son une situation, un moment du fonctionnement d’une radio, du son, comme l’incarnation ou l’impossibilité d’incarnation d’une image, d’un mythe. Le film est cet essai d’une mise en images des mythes véhiculés par les sons des radios libres. Mythes qui sont directement liés aux pouvoirs de métamorphose et de communication du son, revus et corrigés par les obsessions de notre époque sur la communication: plus ça communique, mieux c’est (mythe cybernétique). A nouveau médium, nouveau démiurge de la révolution sociale (mythe politico-techniciste). Nous avons filmé les radios libres dans des situations où mythes et réalités se rencontrent, lorsque le mythe de la voix se faisant action devient: émettre un volume de sons = construire une surface de vente, émettre un appel à descendre dans la rue devient 2000 manifestants se battant toute une nuit contre la police. Elles sont filmées aux moments où le mythe vient s’écraser sur le sol de la réalité, où communiquer un fait s’inverse en un délire d’opinions, où le langage qui croyait dire vrai est vaincu par le langage qui dit fort. Entre ces mythes et les pratiques des différentes radios, entre les images enfantées par les pouvoirs du son et les images des radios en train de diffuser leurs informations et leurs musiques, surgissent, comme des diables de leur boîte, les K, les commentateurs de film à la fois pris dans le filet mythique et cherchant à en défaire les mailles, philologues rieurs à la recherche des significations de cette nouvelle alliance entre le mot radio et l’adjectif libre, questionneurs intempestifs à la poursuite d’une réponse qui ne vient pas: ici K2, demande où est passé le Réel? Les radios libres sont-elles une possibilité de recréer du réel, leurs voix ont-elles assez de souffle pour le ranimer, ou ) l’inverse ne commencent-elles à parler vrai, à faire passer du réel que lorsque celui-ci à déjà commencer à exister, comme en 1977 dans les rues de Milan et de Rome, comme en 1980 dans les rues de Zürich.
Production : CBA, Médiaform & Collectif Dérives